Le rituel de grand-mère
débute avec
l’eau sur
les pieds
les mains
les avant-bras
le visage
elle répète trois fois
avec un soupçon
de Dieu est grand
savon invisible
pour la rassurer
que tout soit propre
suivi de l’abandon
la parole en mantra
le corps s’affaisse
pour que l’âme s’élève
ma crainte effroyable
de passer par erreur devant son tapis
de briser le fil
entre elle et Dieu
car la Mecque a posé sa direction
au-dessus des escaliers
qui mènent à mon rituel télévisé
alors, j’observe
discrètement
les mouvements de Mimi
pour savoir comment ça finit
debout
penchée
debout
mains sur les côtés de la tête
front
à genoux
front
debout
penchée
debout
front
à genoux
front
à genoux
index sur le genou
ainsi que le fameux
salut à chacune de ses épaules
pour s’assurer que le diable n’y est pas
suivi des mains qui passent sur son visage
de retour au salon
elle pose sur moi
ce regard qui dit
c’est bon
tu peux passer
le fil est rompu
jusqu’à la prochaine fois.
La prière comme un coup de téléphone à ne pas déranger.
Elkahna Talbi, « Le rituel de grand-mère… », Moi, figuier sous la neige, Mémoire d’encrier, 2018, p. 23-25.